
Direction artistique : Maryne Lanaro
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MANIFESTE D'UN CHEMIN VERS L'ARTISANAT
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​Il y a quelques semaines, en écoutant un podcast appelé :
" Entretien autour de l’invisible dans l’art ", j’ai posé un mot sur la recherche-action que je mène maintenant depuis 4 ans.
· J’oeuvre à construire un habitat et une pensée dans ce que Mohamed Amer Meziane appelle “les béances” : les vides collectifs sociétaux, occidentaux, ces espaces inhabités, en friche. Certain·e·s artistes considèrent leur quête dans le fait d’habiter des béances. Une de ces béances que je souhaite habiter est : notre rapport à ce qui disparaît.
· J’entends autour de moi que c’est un sujet à la mode. Je parlerais pour ma part d’un sujet nécessaire, urgent et délicat.Un sujet plein de promesses dans l’impact quotidien que j’y entrevois, lorsque l’on s’en empare avec finesse et dans le temps.
· Cette quête d’habiter notre rapport à ce qui disparaît, m’a amenée à faire bien des choses :
· Je suis devenue officiante funéraire.
· J’ai travaillé avec l’équipe scientifique STEEP de l’INRIA sur les effondrements globaux et les sciences de prédictions, comprenant que le funéraire avait un rôle à jouer dans les systèmes de solidarités quand “ça disparaît”.
· Avec l’Institut Français, j’ai emmené des photos et objets confiés soigneusement par des endeuillé·e·s, appartenant à une cinquantaine de mort·e·s français·e·s pour être commémoré·e·s au Mexique au cœur de la Fête des morts. Je suis partie avec une idée, je suis revenue avec une expérience épaisse de nos possibles pratiques souhaitables pour nous, occidentaux·ales.
· J’ai travaillé sur la mémoire avec des femmes octogénaires dont la mémoire leur faisait défaut. Mais aussi, sur le processus de deuil en déambulation casqué en ville :
Out·Purgatoire Urbain (SACD - Auteur d’espace).
· En mai 2025, est sorti MÉTAMORTEM · Contre-funérailles, un spectacle qui fait le pari d’inviter à la commémoration funéraire collective et intime dans l’espace public.
· J’écris un autre spectacle : Autel de ville (Lauréat Écrire pour la rue) qui propose une fable souhaitable pour nos systèmes de solidarité autour de la mort à l’échelle d’une ville en s’inspirant de pratiques venant de pays thanatophiles comme le Mexique.
Je participe à la concertation citoyenne des lieux pour les obsèques civiles de la ville de Nantes, défendant que les athées ont des croyances qui ne se réfèrent justement pas à un lieu, mais à des contextes de mise en pratique.
· Je continue d’officier des cérémonies laïques affûtant les outils narratifs pour accompagner le sur-mesure, et glanant les rituels -particuliers- qui reviennent de par leur nécessité.
· J’écris un manuel de possibles pratiques commémoratives avec les coopératives funéraires pour les endeuillé·e·s post-enterrement.
Si l’on aborde cette aventure du point de vue de ce que Bruno Latour appelle “l’instauration de l’œuvre”, c’est-à dire : est-ce l’artiste qui fait l’œuvre ou l’œuvre qui fait l’artiste ?
· Cette recherche action que je mène depuis 4 ans m’aura fait faire bien des choses, elle m’exige et me demande d’éprouver dans le domaine funéraire, scientifique, politique, artistique et celui des croyances.
· Je reste persuadée que ce sillon que je creuse et un artisanat qui demande du mouvement, du contact et du dialogue avec un large public.
· Cet été nous allons façonner cette forme qui marche avec délicatesse sur ce sol sensible qu’est la mort .
· Pour certain•e•s c’est un spectacle, pour d’autre une cérémonie. Pour la coopérative funéraire de Rennes, METAMORTEM est un porte parole, un pied dans la porte de ce tabou qui rend nos existences isolées et inquiètent face à la mort.
· Les formes comme MÉTAMORTEM sont comme les saxifrages, les plantes qui poussent dans le béton. Elles contournent la roche qui s’oppose à sa progression, elles l’entourent, découvrent la faille, s’y glissent et lentement la brisent.
Maryne Lanaro
